Voilà dix ans que l’aventure a commencé… Et me reviennent à l’esprit les premières séances de comité, la définition des objectifs d’Omoana et surtout nos regards remplis d’un étrange mélange d’espoir et d’appréhension. Parce que même jeunes, portés par nos multiples idéaux, nous savions que la tâche serait ardue, les obstacles nombreux et les déceptions inévitables. Nous étions conscients que les responsabilités qui nous incombaient désormais étaient grandes. Parce que dorénavant, le succès ou l’échec des missions que nous acceptions influenceraient au moins quelques destinées. A cette époque, nous ignorions que notre labeur toucherait plus de dix-sept mille âmes une décennie plus tard. Comment pouvions-nous seulement nous l’imaginer, même à travers nos ambitions les plus folles ?
Les années ont passé. Nous avons gardé de notre jeune âge la détermination et la foi en nos capacités à soulager la misère dont nous étions les témoins. A ces bagages essentiels, nous avons ajouté un savoir-faire issu des expériences du terrain, souvent douloureuses, parfois réconfortantes. Nous avons alors développé divers projets avec le souci constant de ne pas tomber dans les travers potentiels de l’aide humanitaire. Malgré de belles intentions, cette dernière est trop souvent pervertie par le misérabilisme et une charité contreproductive. La crainte de créer des dépendances à notre soutien a été constante. Chaque décision s’est inscrite dans la volonté d’un engagement portant sur le long terme. Ce sont là quelques qualités indéniables des démarches entreprises par l’association Omoana. Plutôt que la sujétion des peuples à l’aide des ONG ou de la communauté internationale, notre but est de favoriser l’autonomie des bénéficiaires afin qu’ils puissent prendre leur destin en main. Ils devront être en mesure de prendre soin de leurs enfants et contribuer par eux-mêmes au développement de leur pays. Plutôt que de donner du poisson à ceux qui en ont besoin, qu’ils aient l’opportunité d’apprendre à pêcher et qu’ils puissent se procurer un filet !
Encouragés par l’impact visible de nos activités dans les communautés, progressivement, nous avons diversifié les projets. Et les souffrances indicibles observées n’ont fait que renforcer notre hargne à donner plus de temps et plus d’ardeur à l’association. S’il ne se réduit pas à l’aspect financier, notre travail bénévole consiste essentiellement à la récolte de fonds. S’investir pour Omoana, c’est davantage un ouvrage administratif : élaborer des projets, établir des budgets et les assumer en cherchant des soutiens. Puis, s’assurer que les fonds récoltés servent exclusivement à l’atteinte des buts fixés. Rapidement, le comité de l’association a compris que ses tâches étaient éloignées des « voyages à but humanitaire », quelquefois liés aux plaisirs exotiques du tourisme.
Enfin, pour terminer, je me permettrai de souligner l’incroyable personnalité du fondateur de l’association Omoana. Adrien, ta persévérance, ton énergie débordante et ton refus de voir les injustices comme des fatalités ont rendu possible cette folle aventure. Ta volonté, ton audace et ta confiance permettent de soulever des montagnes. A cela s’ajoute évidemment le courage des bénéficiaires en Ouganda. Au nom de tous ceux qui de près ou de loin, ont contribué aux activités de l’association Omoana, nous te remercions, toi pour l’élan de solidarité que tu as créé voilà 10 ans, ainsi que nos amis ougandais pour leur acharnement à vivre plutôt que souffrir et mourir.
Florence Savary