Avec le soutien de la Fédération Genevoise de Coopération (FGC), Omoana et Eirene Suisse ont mis en place un atelier d’échange sur les différentes pratiques auprès de populations traumatisées par la guerre en République Démocratique du Congo (RDC), au Rwanda et en Ouganda. Récit.
C’est dans la ville de Huye, située à une centaine de kilomètres au sud de la capitale rwandaise de Kigali que se sont réunis les partenaires régionaux d’Eirene Suisse et Omoana durant 6 jours. Les 25 participants sont pour certains venus d’Ouganda (Handle, ACOT et Vivo, Omoana), d’autres étaient presque à domicile (les associations rwandaises Réseau des femmes, Umuseke et l’Association Modeste et Innocent), tandis que les représentants de Pole Insitute sont venus depuis la République Démocratique du Congo. Magali Perrin, coordinatrice d’Omoana et Sophie Grangier, membre du comité étaient également présentes.
Taï Chi et méditation
L’ambition de cet atelier était grande: amener des organisations de différents pays à échanger sur leurs méthodes de travail alors que les participants ne parlent pas la même langue. Néanmoins ces organisations partagent un objectif commun, chacune dans leur région et à leur façon, œuvrent à accompagner les personnes traumatisées. Les ONG ougandaises utilisent la psychologie pour permettre aux personnes touchées par les conflits qui agitent le pays de se reconstruire. Pour les ONG rwandaises, c’est en faisant notamment recours à la thérapie sociale qu’elles œuvrent à la réconciliation des communautés qui ont implosées lors du génocide.
Malgré les barrières linguistiques, les participants ont habilement été poussés à se mélanger. Les échanges entre anglophones et francophones se sont multipliés malgré un commencement timide durant lequel les participants s’étaient scindés en deux, avec d’un côté les «pro-Molière» et de l’autre les «pro-Shakespeare». Après quelque temps, c’est spontanément que certains se sont rassemblés à l’aube pour organiser des séances de Taï Chï et de méditation. Les participants ont découvert les groupes de parole dans lesquels des survivants du génocide et des anciens génocidaires se retrouvent pour discuter et s’entraider. Une situation relativement fréquente notamment dans le cadre de compensations que doivent verser des anciens prisonniers à leurs victimes, un des pans du processus de réconciliation nationale.
Des coopérations à venir
Le dernier jour de ce rassemblement a été consacré à la visite du projet de thérapie sociale mis en place par l’Association Modeste et Innocent depuis 2013 avec le concours d’Eirene. Les participants et les bénéficiaires de la thérapie sociale se sont divisés en petits groupes afin de partager leur parcours de vie. Durant ces échanges, les participants ont constaté l’ampleur du travail accompli par Noëlla, Médiatrice et Gilbert, les animateurs de l’AMI. Dans l’un des groupes, deux voisins expliquaient leur expérience différente durant le génocide. Le premier a perdu une partie de sa famille sous les coups du second. Cependant, grâce au dialogue et l’échange, ils se retrouvent maintenant régulièrement dans le cadre des groupes de paroles, leur permettant de dépasser l’indicible.
Les participants ont été impressionnés par le travail effectué et désireux de pouvoir l’appliquer chez eux. Cela a eu une résonnance particulière pour un participant de RDC qui déplore le manque d’effort dans son pays pour travailler à un processus de réconciliation. Comme souvent au Rwanda, cette visite s’est terminée par une fête improvisée durant laquelle les participants ont pu danser sur les rythmes rwandais et découvrir les spécialités culinaires de la région.
Le jour du départ, les participants ont spontanément échangé leurs coordonnées. Suite à un dernier exercice de «Marché» d’échanges, les participants ont partagé les méthodes qui les intéressaient chez l’autre. Quelques mois après la fin de cet atelier, il existe déjà des collaborations entre des organisations qui désirent envoyer l’un de leurs animateurs en immersion dans l’autre structure, mais également des mises en commun de forces afin de construire des projets plus ambitieux. En rapprochant nos partenaires dans la région des grands lacs, avec le support financier de la Fédération Genevoise de Coopération, nous renforçons le travail effectué par ces structures et nous facilitons la diffusion de pratiques locales efficaces.
Bastien Morard
Chargé de Programme Grands Lacs
Eirene Suisse